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TRIBUNE : Le "monde d'après" : les trois erreurs à ne pas commettre pour relancer le p


Alors que l'Assemblée nationale prend connaissance du troisième budget rectificatif visant à relancer l’économie, on ne compte plus les idéologues qui annoncent un "monde d'après" dans lequel tout serait chamboulé. Les idées les plus révolutionnaires ont été énoncées. En voici trois qui pourraient bien séduire le gouvernement dans les mois à venir – mais qui seraient catastrophiques pour nos concitoyens.


1- Baisser les salaires


Une idée très inquiétante que l'on entend poindre est celle d'une baisse des salaires. La ministre du travail a indiqué que des accords de performance collective qui pourraient entériner la baisse du temps de travail, et donc des rémunérations, faisaient partie des “solutions” face à la crise.

Si elle devait se généraliser, cette solution serait catastrophique : ce n’est pas aux Français de payer la crise. Dans un pays extrêmement fragile socialement, la baisse des salaires mène à la baisse de la consommation, qui mène à la baisse de la production, qui mène à la baisse des salaires. Une spirale déflationniste redoutée par de nombreux économistes.


Depuis des années, nous connaissons un climat social délétère. Les Gilets Jaunes ont exprimé en 2018 la colère longtemps silencieuse d’une France périphérique en souffrance et qui ne profite pas de la mondialisation. En 2019, la réforme des retraites a mobilisé des réseaux plus classiques de la protestation militante. En 2020, nous assistons à des manifestations identitaires sur fond d’accusations de violences policières dont on aurait tort d’ignorer certaines causes sociales, notamment le chômage de masse des jeunes.


Si l’on ne veut pas que ce cocktail explosif ne dérape en violence généralisée, il est primordial de profiter de l’environnement monétaire favorable pour faire de la relance tous azimuts, sans toucher aux salaires. Ce n’est que comme cela qu’un cercle vertueux de consommation, de croissance productive, d’emploi et de remboursement de la dette pourra être enclenché.


2- Augmenter les impôts


Le gouvernement nous l'a promis : notre dette publique abyssale, que la crise a aggravée, ne sera pas épongée par une hausse d'impôts. Ces propos sont rassurants. Pourtant, rien ne garantit que la promesse soit tenue à moyen terme.


Quand bien même la pression fiscale française n'augmenterait pas, l'idée d'une "solution européenne" est de plus en plus souvent avancée. Entendez : "impôt européen", comme l'a explicitement avancé le commissaire européen Thierry Breton, dont la nomination a été proposée par… Emmanuel Macron. Énième exemple d'autorités nationales déléguant à l'Union européenne des mesures impopulaires. Qu’il soit national ou européen, un tel prélèvement serait délétère pour notre tissu économique.


3- Soutenir seulement les grands secteurs


Le gouvernement a fait le choix d’une relance sectorielle de l’activité. Les secteurs choisis sont le tourisme, l’aéronautique, l’automobile et la technologie. Nul doute que ces secteurs sont stratégiques et que leur soutien est extrêmement bienvenu. Toutefois, ce mode d’action fait l’impasse sur des dizaines de secteurs industriels spécialisés, dont l’activité est essentielle au niveau local mais insuffisante au plan national pour attirer l’attention des ministères.


Telle est la situation de la filière verre, implantée chez moi dans la Somme. Les 10 000 emplois qu’elle représente (directs et indirects) sont aujourd’hui menacés par une baisse d’activité sans précédent. Certes, il faut souligner que la réaction de l’administration a été irréprochable. Les formalités ont été réduites au strict minimum et l’extrême efficacité de nos fonctionnaires a permis que toutes les entreprises éligibles bénéficient du chômage partiel et du prêt garanti par l’État en un temps record. Il serait d’ailleurs intéressant que cette efficacité soudaine devienne la norme. Mais au-delà de ces mesures d’urgence, la situation de la filière verre nécessiterait des mesures de la même magnitude que celles qui sont appliquées aux mastodontes industriels.


Pourquoi ne pas profiter de la situation actuelle pour réévaluer et réattribuer les fonds publics alloués à des secteurs peu productifs ?


Un exemple : nous consacrons chaque année près de 5 milliards d’euros à soutenir les éoliennes, sans effet sur le climat puisque notre électricité nucléaire est déjà décarbonnée, et sans effet sur l’emploi puisque ces machines sont manufacturées à l’étranger. Si l’on allouait une telle somme à l’industrie, on parlerait d’un plan de soutien massif.


À l’Assemblée nationale, j’ai interrogé la ministre de l’environnement sur son choix de publier la programmation pluriannuelle de l’énergie en plein mois d’avril, sans la moindre modification, comme si la crise historique que nous connaissions n'appelait pas de réflexion particulière sur les engagements passés. Alors que toutes les nations se battent pour soutenir leurs citoyens, la France maintient un plan de 5 milliards par an à destination des fabricants d’éoliennes danois et allemands. La ministre a totalement éludé ma question.


Avant de prétendre chambouler le "monde d'après", tâchons d'abord de gérer la crise au présent. Dans toute l’Europe, les entreprises françaises sont celles qui ont le plus souffert du confinement très strict que nous avons connu. Cette solution s'imposait pour ne pas surcharger nos hôpitaux, puisque l'État s’est montré incapable de fournir les masques et les tests nécessaires pour juguler l'épidémie. En toute justice, c'est donc à l'État qu'il revient maintenant de compenser. Espérons qu’à défaut de prendre les bonnes mesures, il se garde au moins de prendre l’une de ces trois mesures catastrophiques.




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