
Le problème de l'emploi ne se résoudra pas en régularisant les travailleurs sans papier comme le propose le gouvernement et la majorité. La réindustrialisation de la France doit pousser l'État à une vraie réflexion sur la natalité en berne.
Ma tribune publiée mi-octobre dans Les Echos et co-signée par 15 de mes collègues députés Les Républicains : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-la-reindustrialisation-necessite-une-politique-nataliste-1987054
Le texte intégral de la tribune :
Le déclin de la natalité est le grand absent de nos débats alors que, sur des sujets aussi variés que les retraites, l'emploi ou l'immigration, il en est le point de départ. Ne pas en faire un enjeu politique de premier plan est une anomalie ; résoudre les problèmes qui en résultent sans jamais le traiter à la racine condamne notre pays à des débats pénibles et stériles.
Tel est le cas de la proposition de régulariser les travailleurs sans papier, portée par le gouvernement et la majorité. En déclarant que « la réindustrialisation de la France ne se fera pas sans immigration », ils semblent avaliser le Lampedusa permanent que nous connaissons depuis trente ans. Au-delà de trahir la confiance des Français dans l'exécution des lois, ils provoquent un double malentendu.
Palliatif au lieu d'un remède
Le premier malentendu consiste à croire que le débat se situerait au niveau de la performance économique. Quand bien même le bénéfice net de l'immigration non qualifiée en provenance d'Afrique était établi, il ne suffirait pas à lui seul à lever toutes les préoccupations de nos concitoyens sur cette question complexe.
Ces préoccupations, qu'elles soient liées à notre capacité à bien les accueillir ou à leur volonté de s'intégrer, sont légitimes. Les balayer pour quelques points de croissance donne la désagréable impression d'une braderie de nos valeurs… ou d'un profit fait sur la misère et le désespoir des autres. Sans oublier que cette attitude contredit frontalement notre politique d'aide au développement, privant plusieurs pays des forces vives les plus propices à participer à la construction de leur appareil productif.
Le second malentendu est d'accepter un palliatif au lieu d'un remède. Car le problème sous-jacent du manque de main d'œuvre, c'est l'inexorable et dramatique baisse de la natalité. Si l'immigration permet d'en estomper les effets dans l'économie, elle ne la résout pas : on ne sauve pas un arbre en y accrochant des feuilles.
Politique nataliste
Il est donc urgent de construire une politique nataliste qui résolve le problème de fond au lieu de reposer sur le palliatif de l'immigration. La France n'est pas qu'une zone économique. C'est aussi, comme le mentionne notre Constitution, un peuple qui comme tous les peuples aspire à sa propre conservation. Si une baisse du PIB est grave pour le confort et la qualité de vie des citoyens, une baisse de la fécondité est critique car elle menace notre avenir même en tant que nation.
Or, celle-ci ne résulte pas d'un choix libre et assumé, mais d'un désir d'enfant aujourd'hui frustré. Selon une étude Kantar de 2021, les Français auraient voulu en moyenne 2,39 enfants ; la même année l'indicateur conjoncturel de fécondité n'était que d'1,83 enfant par femme. Il est donc temps de se poser la seule question qui vaille : comment sortir d'un système qui freine les projets familiaux ?
Fonder une famille n'advient, lorsqu'on maîtrise sa contraception, qu'après avoir atteint la stabilité suffisante pour se projeter vers l'avenir : stabilité affective, professionnelle, financière. Il convient donc d'avancer l'âge auquel nos jeunes accèdent à cette stabilité. Or, le principal outil de politique nataliste dans notre pays, le quotient familial, n'intervient qu'après l'arrivée du premier enfant. Cela doit changer.
Améliorer le niveau de vie
Réduire le taux d'inactivité des jeunes est évidemment la priorité : chaque année passée sans emploi est une année perdue pour l'accumulation d'expérience et de patrimoine. Cela passe par le retour à une éducation d'excellence ayant à cœur d'éviter autant que possible l'échec et le redoublement, y compris dans le supérieur où les déconvenues liées à une orientation non maîtrisée sont légion. Cela passe également par la réhabilitation des filières courtes qui offrent des perspectives professionnelles ascendantes.
" En plus d'accélérer et de fiabiliser les études, il faut améliorer le niveau de vie des jeunes entre vingt et trente ans."
En plus d'accélérer et de fiabiliser les études, il faut améliorer le niveau de vie des jeunes entre vingt et trente ans – âge idéal du point de vue de la santé pour faire des enfants. Ces jeunes font face à un paradoxe : ils sont la génération la plus diplômée de l'histoire, pourtant leur revenu médian (20 920 € en 2019 selon l'Insee) est inférieur à celui des plus de 65 ans (23 220 € en 2019) déjà retraités.
Stabilité projective
La faute à un système de prélèvements fiscaux et sociaux qui pénalise les revenus du travail de manière démesurée, alors qu'il s'agit de la seule ressource des jeunes pour construire leur patrimoine. D'après l'URSSAF, le salarié médian voit 42,9 % de son revenu ponctionné par les prélèvements obligatoires. Ces transferts financiers massifs privent ceux qui seraient en mesure de fonder une famille des moyens de le faire : c'est sans doute là l'un des facteurs de la baisse de la natalité et une grave dérive de l'État-providence.
La remise en cause de ce système fiscalo-social doit aboutir à faire peser la solidarité nationale sur autre-chose que le travail. Autrement dit : rapprocher le brut du net afin de permettre aux jeunes de fonder une famille sans craindre de sacrifier leur niveau de vie, comme ont pu le faire les générations précédentes.
Que le travail rémunère plus tôt et mieux : ce sont les deux jambes sur lesquelles avancera la reconstitution de cette stabilité projective dont nos jeunes ont besoin. Faisons le pari que, sur ce dynamisme retrouvé par la base, l'industrie française saura trouver ses forces vives sans se reposer sur leur importation.
Par Emmanuel Maquet, député de la Somme ;
Ian Boucard, député du Territoire de Belfort ; Jean-Luc Bourgeaux, député d'Ille-et-Vilaine ; Hubert Brigand, député de la Côte d'Or ; Josiane Corneloup, députée de Saône-et-Loire ; Francis Dubois, député de la Corrèze ; Annie Genevard, députée du Doubs ; Philippe Juvin, député des Hauts-de-Seine ; Mansour Kamardine, député de Mayotte ; Yannick Neuder, député de l'Isère ; Eric Pauget, député des Alpes-Maritimes ; Isabelle Périgault, députée de Seine-et-Marne ; Alexandre Portier, député du Rhône ; Nathalie Serre, députée du Rhône ; Jean-Pierre Taite, député de la Loire ; Stéphane Viry, député des Vosges.